(NDLR 6 Janvier 2014 : et oui, La Plus Petite Cuisine du Monde est le SEUL blog qui vous donne ses recettes de Noël début Janvier, c’est ici et nulle par ailleurs, quel style vraiment inimitable).
Chaque année à la même période il y a une association qui me trotte dans la tête, une petite fixette d’amour : la Saint Jacques et la truffe.
Alors oui, je sais, je vous entends déjà au fond de la classe : « Pfff encore une recette trop chère, qu’est-ce qu’ils sont dépensiers dans cette Petite Cuisine« , mais là je dis non je dis ho je dis :
- d’abord c’est (c’était) Noël alors flûte
- ensuite, si on s’y prend bien, cela reste tout à fait gérable, on peut se faire plaisir sans hypothéquer la maison de tata Gilberte. Et oui, les gens qui mangent de la truffe ne sont pas forcément milliardaires, ils sont simplement malins, rendez-vous donc en fin de billet afin de découvrir nos conseils pour truffer sans se ruiner.
Mais en attendant, on va parler d’accommoder la Saint Jacques et la truffe, et je vous propose carrément deux manières de procéder pour le prix d’une :
- Un carpaccio tout simple mais où tout est dans le détail
- Une saint jacques contisée* à la truffe servie chaude, une interprétation différente, spectaculaire et tout aussi gourmande.
On commence par :
Le Carpaccio de Saint Jacques aux truffes.
Cela fait plus de dix ans maintenant que nous étudions et discutons ce plat avec mon très esthète ami Martin, et même si en cuisine on ne fait jamais complètement le tour d’un sujet, je peux vous garantir que nous nous sommes posés quasiment toutes les questions que vous pourriez avoir sur sa réalisation.
La recette a l’air bête comme chou (et elle l’est d’ailleurs) mais chaque détail a son importance, et a été pensé, réfléchi et testé avec la plus grande attention pour obtenir un résultat d’une finesse remarquable. Inutile de préciser que la grande fraîcheur des saint jacques est par ailleurs d’une importance capitale.
Ingrédients pour 4 personnes
- 12 coquilles saint jacques fraîches, que vous aurez achetées dans leurs coquilles et que votre poissonnier vous aura gentiment préparées.
- 35 grammes de truffe fraîche
- De la fleur de sel
- Du poivre noir au moulin
- De la très bonne huile d’olive, pas trop ardente
Badigeonnez le fond de votre plat de présentation avec de l’huile d’olive. Il faut juste un coup de de pinceau (ou de sopalin) pour à peine graisser l’assiette, on ne veut pas de flaque d’huile ok ?
Nettoyer les noix de saint jacques pour les débarrasser du sable et des parties brunes restantes.
Séchez-les bien, tranchez-les en rondelles fines mais pas trop, on veut garder un peu de mâche. 3 à 4 mm d’épaisseur on est bien. Disposez-les sur le plat en commençant par le centre, ce sera plus facile à mettre en forme.
Repassez un tout petit coup de pinceau d’huile d’olive sur les saint jacques.
Trancher la truffe en lamelles extra fines (si vous avez un rasoir à truffes c’est le moment de le sortir de son emballage, sinon mandoline ou un couteau bien aiguisé) et disposez-la harmonieusement sur les saint jacques. Si vous aimez que la truffe craque un peu, visez 1 mm d’épaisseur.
Si vous ne servez pas immédiatement, vous pouvez filmer au contact et entreposer au frais.
Sortez les assiettes. Salez avec un peu de fleur de sel, au tout dernier moment car le sel va marquer les saint jacques et les couvrir de petits points disgracieux (et ça, on n’en veut pas mon précieux, ha non).
Donnez un tour de moulin à poivre et servez sans attendre.
Pour l’accord avec le vin, vous avez la chance aujourd’hui de bénéficier du conseil avisé de mon collègue et ami Martin (vous pouvez lui faire confiance sur les vins en général et les champagnes en particulier, d’ailleurs un grand merci à lui pour ses recommandations toujours excellentes) : « Servir avec un champagne millésimé qui aura déjà développé des notes d’évolution. Attention, ce qu’on vient chercher, ce n’est pas la bulle mais l’ampleur, on n’hésitera donc pas à ouvrir la bouteille une heure ou deux avant« .
Martin a récemment eu un coup de coeur pour un Tarlant cuvée Louis, disponible chez les cavistes actuellement. C’est un extra-brut, assemblage de vieux vins (1998, 97 et 96) ; ample, mature et complexe (et un rapport qualité prix imbattable) . Un vieux Jacquesson sera également de très bonne compagnie.
Voici maintenant la deuxième recette :
Les saint jacques contisées au truffes.
C’est une présentation un peu surréaliste que j’aime beaucoup, que j’ai découverte à L’Arpège, et qui permet de lier intimement la saint jacques et la truffe lors de la dégustation, très chouette.
La mise en place demande un poil de manipulation mais ce n’est pas technique, et le résultat je trouve en vaut la peine.
Je sers ces saint jacques à l’unité, d’abord parce que la recette est assez gourmande en truffes, ensuite parce que cela donne un petit côté happening artistique à la saint jacques qui flatte agréablement mon snobisme de l’assiette.
Ingrédients pour 4 personnes :
- 4 coquilles saint jacques dont votre poissonnier vous extraira 4 belles noix, d’une forme bien régulière.
- une petite truffe
- une noix de beurre
- une cuillère à café de jus de veau (optionnel)
- de la fleur de sel
- du poivre
Lavez et sechez soigneusement vos noix de saint jacques.
Disposez-en une face à vous sur le plan de travail.
Faites lui 4 à 5 entailles bien régulières sur le haut, perpendiculairement à la planche, sans aller jusqu’au bout. Ce sont les traits « pleins » sur le schéma ci-dessous (grâce auquel vous découvrez également que l’on peut réaliser des œuvres de toute beauté grâce à Paint, vous vous demandiez à quoi ce programme pouvait être utile et bien voila).
Glissez une lamelle de truffe dans chaque entaille, retaillez la lamelle pour qu’elle ne dépasse pas de la saint jacques (avec les chutes, faites donc un petit beurre de truffe qui sera fort apprécié à l’apéritif).
Une fois votre noix bien farcie, faites une dernière coupe verticale, perpendiculaire aux précédentes entailles (c’est le trait pointillé sur mon schéma). Attention : là non plus n’allez pas jusqu’à la planche, il ne faut pas couper la saint jacques en deux.
Une fois cela fait, prenez délicatement votre noix à deux main, une de chaque côté de l’entaille, et faites basculer chaque côté d’un quart de tour. La saint jacques reste solidaire car vous ne l’avez pas complètement tranchée, et vous obtenez donc cet étrange artefact, organique et délicieux, dont vos invités éblouis reparleront encore quand ils n’auront plus de dents.
Faites doucement chauffer une poêle, et faites-y mousser une noix de beurre salé. Évitez les beurres de barattes, certes excellents en dégustation à cru, mais trop forts pour cette recette aux parfums si délicats.
Déposez vos saint jacques sur la poêle. Laissez-les dorer pendant 30 secondes à une minutes, sans les remuer (c’est en les laissant à leur place qu’elles vont dorer au lieu de cracher leur eau).
Badigeonnez le haut d’un coup de pinceau au jus de veau, et retournez le tout, encore pendant 30 secondes à une minute.
Servez immédiatement avec un peu de fleur de sel et un tour de moulin.
Pour l’accord vin, vous pouvez partir sur les mêmes propositions que celles évoquées pour le carpaccio, ce sera pas mal.
Bien. Et maintenant, comme promis, quelques conseils pour se fournir en truffes si vous n’avez pas (encore) l’habitude.
Si vous vivez dans une région où la truffe se ramasse, sachez qu’une truffe fraîche, achetée sur les marchés locaux, s’échange entre 650 et 800 €le kilo. Cela parait cher comme cela, mais si on part sur le principe qu’une truffe de 35 gr est suffisante pour une entrée pour 4 personnes, cela donne un budget truffe entre 22 et 28 € pour le plat. Oui, je reconnais que c’est une petite somme pour une entrée, mais ce n’est pas inabordable n’est-ce pas ? Vous zappez le Mac Do du week-end prochain et hop, vous l’avez votre budget truffes.
Si par contre vous ne vivez pas dans une région où l’on trouve de la truffe au marché du dimanche, plusieurs solutions :
- Vous avez un cousin/oncle/collègue qui vit dans le Périgord ou à Carpentras, parlez-en avec lui, demandez-lui ses plans, organisez-vous pour qu’il vous fasse un petit colis.
- Vous ne connaissez personne, mais vous pouvez lors de vos vacances ou à l’occasion d’un week-end gourmand, vous renseigner sur les éventuels trufficulteurs du coin. Passez les voir, et inscrivez-vous à leurs séances de cueillettes si vous êtes en saison. Discutez avec eux, achetez leur un peu de leurs produits, parlez-leur de Noël et de la façon dont vous pourriez procéder pour leur commander quelques truffes (vous profiterez de l’occasion pour faire une commande groupée avec vos amis), bref bossez un peu pour créer votre filière d’approvisionnement, vous verrez que le jeu en vaut mille fois la chandelle
- Vous habitez en région parisienne : il y a Rungis, et là je vais vous donner un tuyau les gens : Rungis, c’est pas très compliqué d’y aller. Vous croyez que c’est fermé au commun des mortels ? Pour être autorisé à acheter à Rungis, il suffit d’être un professionnel de l’un des types suivants : sociétés, artisans, associations, professions libérales, auto-entrepreneurs, administrations, comités d’entreprises. Si vous ne rentrez dans aucune de ces catégories, je pense que dans votre entourage vous pourrez trouver quelqu’un d’éligible et de motivé par la truffe. Ensuite, pas besoin de prendre de carte, pour une visite ponctuelle un droit d’entrée suffit, se renseigner au péage. Une fois dans la place, pas besoin de vous perdre dans les immenses entrepôts, rendez-vous au quartier St Eustache chez Masse, bâtiment E5 (plan de Rungis ici), les rois du foie gras, où la très prestigieuse truffe Mélanosporum était à 690 €le kilo la semaine dernière. La bonne nouvelle : pas besoin de se lever tôt, les magasins de ce type sont ouverts jusqu’à 13H, appelez tout de même avant pour savoir ce qu’ils ont et à quel prix.
Enfin, si vraiment vous habitez un endroit loin de tout et qu’aucune de ces solutions ne peut s’appliquer à vous, vous pourrez trouver de la truffe fraîche dans certaines épiceries fines, ou encore la commander sur Internet, mais dans ces deux cas on approche les 1500 €le kilo en période de Noël, j’avoue que ça pique.
La meilleure solution consiste alors à mon avis de renoncer à la truffe fraîche, et se procurer un petite boite de pelures de truffes DE BONNE QUALITE. C’est puissant en bouche, il en faut peu pour marquer votre plat, croyez-moi c’est un investissement très rentable (vous en aurez pour 10 à 15 € pour les premières tailles de boites, petites mais costaudes). Vérifiez juste qu’il s’agisse bien de la tuber mélanosporum et non d’une truffe « d’été » quelconque au parfum souvent trop faible pour résister à la conserve.
Dans tous les cas par contre, évitez les huiles aromatisées artificiellement, au parfum entêtant et peu fidèle. Si vous cherchez tout de même une huile à la truffe, privilégiez celles issues de macérations de truffes plutôt que de l’ajout d’un arôme, même naturel. Si vous en connaissez une bonne n’hésitez pas à me laisser la référence, je transmettrai ici même.
* Cela signifie que l’on pratique des entailles dans la noix de la coquille saint jacques, dans lesquelles on pourra glisser des lamelles de truffes.
Eh bien doublement merci, pour ces recettes simples et funky, comme on disait dans not’jeunesse, mais aussi parce que tu m’apprends que je n’ai pas simplement fait un veau Orloff (bénédiction des bénédictions, rebaptisé veau Corloff car enrichi de mon idée géniale de feuilles de sauge) la semaine dernière, mais que je l’ai contisé. Et ça ça pose le bonhomme (surtout quand celui-ci ne sait toujours pas ce que veut dire « passer au Chinois » par exemple).
L’ajout de la sauge est indeed une idée absolument géniale et mérite complètement un nouveau baptême pour cette recette que j’adore 🙂 Maintenant que tu contises à l’aise, n’hésites pas à en abuser, j’ai hâte de découvrir le poulet Corengo, le saumon Corlibiak ou le boeuf Corlington 🙂 Très bonne année à toi et à la Corfamily ❤
ô miam ô grand dieu du miam, tu viens de me donner 2 recettes comprenant mes 2 ingrédients favoris on earth.
voilà pourquoi j’adore ton blog, il parle à mon miam intérieur.
de la truffe, de la cuisine thai, de la saint-jacques, on a dû être super copines dans une autre vie, c’est pas possible.
Moi je dis que tu as un goût parfait, voila tout 🙂 Et sinon je suis tout à fait satisfaite par cette appellation de « grand dieu du miam », tiens je vais mettre ça sur mes cartes de visite, ça en impose tout en restant sobre, ça me plait. Et bises ❤
Après « la truffe sans se ruiner », tu nous fais « le caviar sans prendre de poids », ou tu préfères que je m’y colle ?
Je suis d’accord, la coquille et la truffe se marient à merveille, j’ai deux ou trois recettes, dont une sur la braise qui tire des larmes… Tu commences fort l’année, je la souhaite prospère pour LPPCM, et merveilleuse pour toi !
La très bonne année à toi et à toute la famille, et à vite, faut absolument que tu me racontes cette histoire de saint jacques, truffes et braise 🙂
Houahou, merci Claire, super pour l’égo!!
Pour le champagne (plus important encore), il y a eu un tout petit peu de friture (pas de beurre de baratte) sur la ligne : le Tarlant c’est la dénommée cuvée Louis, disponible chez les cavistes actuellement. C’est un extra-brut, assemblage de vieux vins (1998, 97 et 96) ; ample, mature et complexe (et un rapport qualité prix imbattable : on reste dans le thème de la grande expérience esthétique sans hypothéquer la maison de la tante Gilberte)
Très très belle année pour la plus petite cuisine du monde et, surtout, pour sa cuisinière
C’est noté, je vais corriger l’article, j’avais rien compris ! Merci à toi pour tous ces conseils et à très vite pour fêter la nouvelle année 😉
Merci pour ces bons conseils, je vais pouvoir jouer au fin gourmet avec un porte-feuille bien garni 😉 !
Et bien voila 🙂 !
En parlant de truffe, j’ai goûté dernièrement un vinaigre balsamique parfumé avec…je ne peux que le recommander tant c’était divin.
Il faut nous en dire davantage Polina : où quoi quand ? Comment ça s’appelle ?
Il était importé d’Italie, mais il est possible d’en trouver au supermarché, mais je ne sais plus sous quelle marque !
Merci pour cette magnifique recette ! Un inconditionnel de la Truffe ne peut qu’être enchanté par cette merveilleuse association. La seule entorse à la recette (je ne peux pas m’empêcher…) c’est d’avoir rapé la truffe plutot que de l’avoir découpée en lamelles fines. Cela vient du fait que je congèle mes truffes, et dans ces conditions, c’est plus simple.
PS : Pour ceux que ça intéresse, je connais un charmant petit gîte, près de Sarlat, qui organise des cueillettes chez un trufficulteur avec chien et cochon ! Bien plus sympa, ludique et instructif que l’épicerie fine du coin…et l’économie réalisée vous paye le WE.
Haaaa ça me fait BIEN plaisir ça, je pensais justement à toi quand j’ai écrit au sujet des gens qui partent en week end dans des régions trufféicoles (trufficoles ?). Bref ça me fait trop plaisir de te voir par ici, et je confirme, Avec la truffe congelée on ne peut pas faire de lamelle, la râpe est alors la meilleure alternative. Je vous embrasse fort 🙂
Bonjour,
je suis dans une région de truffes et j’ai une cheminée … évidemment les st jacques fraîches n’arrivent pas jusque là mais ça doit pouvoir se trouver 🙂 j’aurai bien aimé avoir la recette st jacques, truffes et braise dont il est question plus haut ! je ne veux pas pleurer mais une recette qui tire des larmes je voudrais essayer ^^… D’avance merci.
Sympa les recettes, je reviens de Drome où nous avons « cavé » le 31/12 et avons ramené 2 truffes, je testerai ce soir la truffe contisée rôtie.
La saison des truffes melano ne dure que 3 mois donc le caviste nous recommandait de congeler les truffes sous vide après les avoir tranchées finement et badigeonnées d’huile de pépin de radins (huile sans arôme), apparement c’est le truc des grands chefs, il n’y que très peu de perte d’arôme et la truffe étant pré-tranchée il ne faut plus trop la manipuler.
bonjour,
Merci pour ces recettes précises et appétissantes. Toutefois, je n’ai pas bien compris le paragraphe suivant:
« Une fois cela fait, prenez délicatement votre noix à deux main, une de chaque côté de l’entaille, et faites basculer chaque côté d’un quart de tour. La saint jacques reste solidaire car vous ne l’avez pas complètement tranchée »
Parlez-vous de l’entaille centrale? Cela veut-il dire que l’on « ouvre » la saint-jacques?
Oui c’est cela ! en fait il faut ouvrir l’entaille complètement, jusqu’à ce que les côtés deviennent la face basse (j’espère que c’est à peu près clair). Bonne année !
merci Claire. Bonne année à vous également!
Comme c’est hier que j’ai préparé ce plat et que cette manipulation me semblait excessivement délicate, je me suis contenté des premières entailles. C’était parfait.