Ha mes chéris, je vous en parlais dans le temps déjà, ne trouvez-vous pas que l’araignée de mer est une des plus délicieuses merveilles de la nature ? Certains disent même que son goût sublime vaut bien celui du homard, et je dois dire que je ne suis pas très loin de penser la même chose.
Elle reste pourtant méconnue (à cause de sa fragilité elle se transporte très peu). Je me souviens par exemple, lors d’un séjour en Bretagne, que mon très cher ami Stéphane avait fait la tronche, constatant que je ne prenais que des araignées au marché, et non pas les tourteaux dont il avait l’habitude. Je lui expliquais que c’était meilleur.
Me soupçonnant de snobisme culinaire mal placé, c’est en grommelant qu’il acheta tout de même un tourteau, certain de pouvoir démontrer par une éclatante évidence, qu’à la dégustation, l’un valait bien l’autre.
Que croyez-vous qu’il arriva ? Même lui abandonna bien vite le tourteau lors du diner, cette petite entaille à son amour propre valant décidément largement la dégustation des araignées de mer.
Bref, cette anecdote aussi passionnante que drolatique me sert de parfaite introduction à la recette du jour et là je vous préviens tout de suite : c’est de la méga tuerie, LAISSE TOMBER !
Cette préparation descend en ligne directe de la recette de cannelloni d’araignées de notre copine Claudine, laquelle est une championne de la pèche au casier doublée d’une cuisinière redoutable. Un jour de notre arrivée tardive en Bretagne, elle avait eu l’extrême gentillesse de préparer à notre intention un plat entier de ses fameux cannelloni. Depuis, cette recette figure tout simplement dans mon top 10 des meilleurs trucs du monde.
Cela faisait donc un moment que je voulais vous en parler, et le week end dernier, lorsque j’ai vu un seau d’araignées bien gigotantes au marché de la Villette*, mon sang n’a fait qu’un tour : c’était l’heure et le moment de me lancer.
J’ai un peu modifié la recette, en changeant notamment les cannelloni en ravioles (j’avais peur de ne pas avoir assez de farce pour des cannelloni). Je voulais également essayer une cuisson au bouillon, la cuisson au four des cannelloni me paraissant un poil sèche.
Voici donc le fantastique résultat, croyez-moi je n’exagère pas, nos invités ont eu l’air de trouver ça plutôt dingue.
Et c’est tant mieux parce qu’on ne va pas se mentir, c’est quand même un ?!! #@!#?$@!!! de putain de boulot.
La recette possède néanmoins les avantages organisationnels suivants :
- La chair d’araignée se congèle très bien. Vous pouvez donc décortiquer les crabes un jour de désœuvrement, congeler le tout et le ressortir au moment voulu.
- C’est assez rentable en terme de quantité. Avec trois petites araignées j’ai obtenu plus de 40 ravioles, et franchement, j’aurai pu faire plus en allongeant la farce qui était particulièrement riche en crabe.
Ingrédients pour une entrée pour huit personnes :
- Trois petites araignées de mer ou deux grosses
- Deux courgettes
- Trois cuillères à soupe de pignons de pin
- Trois échalotes
- 40 cl de crème fleurette entière
- Une cuillère à café de Nuoc mam
- Du parmesan
- Un gousse d’ail en chemise percée de quelques coups de couteau
- Un paquet de feuilles de ravioli à trouver au rayon frais d’un supermarché asiatique. Si tu te demandes de quoi je parle jeune padawan, voila à quoi cela ressemble.
- Un petit verre de vin blanc sec
- Une pincée de piment d’Espelette
- Un sachet de court bouillon
- Un sachet de bouillon de poule Ariake
- Du gros sel
- Du sel fin et du poivre du moulin
- Un ou deux esclaves ne seront pas de trop
Faites bouillir une marmite d’eau bouillante avec deux poignées de gros sel et le sachet de court bouillon. Il doit y avoir beaucoup d’eau pour que les araignées puissent être au large.
Plongez les araignées dans l’eau bouillante. Lorsque l’ébullition reprend, compter 20 à 25 minutes selon la taille des bêtes.
Égouttez-les et laisser les refroidir. Munissez vous de vos esclaves bien pratiques (un mari charmant et plutôt dégourdi peut faire aussi l’affaire s’il est bien disposé) et attaquez la phase de décortiquage des crabes, en faisant bien attention à ne pas laisser de cartilage dans ce que vous aurez trié.
C’est LONG. Mais ça vaut le coup (prévoir tout de même un bon vieux décapage des mains au karcher).
Émincez les échalotes en petits cubes.
Lavez les courgettes, coupez-le en quatre dans le sens de la longueur et enlevez les graines. Coupez-les également en petits cubes.
Faites chauffer un filet d’huile d’olive. Faites y suer l’échalote sur feu moyen (sans coloration, on ne veut pas que cela caramélise) en compagnie de la gousse d’ail. Au bout de quelques minutes, ajoutez les courgettes. Laissez cuire une dizaine de minutes en remuant souvent
Ajoutez le vin et laissez le réduire.
Ajoutez le nuoc mam et le piment d’Espelette, un tour de moulin à poivre.
Ajoutez la chair d’araignée et laissez la chauffer quelques minutes pour sécher le mélange de son éventuelle eau résiduelle.
Hors du feu, ajouter ensuite 10 cl de crème fleurette et les pignons que vous aurez fait torréfiés au préalable (5 mn sous le grill du four mais surveillez-les bien, ils ont tendance à cramer plus vite que leur ombre dès que vous avez le dos tourné les petits coquins).
Râpez l’équivalent de quatre belles cuillères à soupe de parmesan. Mélangez-le tout et laissez tiédir.
Préparez vous à monter les ravioles, vous avez deux méthodes :
- Méthode 1 : déposer une boule de farce au milieu d’une feuille de ravioli, badigeonner le tour avec de l’oeuf battu, coller une seconde feuille pour former la raviole.
- Méthode 2 : munissez-vous d’un ustensile magique en plastique, permettant de former rapidement les ravioli. Le mien m’a été rapporté de Singapour par ma copine Emmeline, mais je raconte ça uniquement pour faire mon intéressante car vous le trouverez dans n’importe quel magasin d’accessoires de cuisine. Lors de son utilisation, pas besoin d’oeuf battu mais un petit coup d’eau au pinceau sur les bords intérieurs de la raviole ne fait pas de mal.
Retaillez vos ravioles avec des ciseaux pour leur donner une jolie forme.
Au moment de servir, porter une marmite de bouillon à frémissements (on ne veut pas d’une trop grosse ébulition qui risquerait d’abimer nos ravioles).
Verser le reste de crème fleurette das un bol, lui ajouter une belle grosse râpée de parmesan, et faites chauffer quelques instants au micro ondes ou à la casserole, juste le temps que le parmesan fonde. Donner deux trois tours de moulin à poivre.
Plongez les ravioles dans le bouillon et faites les cuire une à deux minutes pas plus. Sortez-les délicatement avec une écumoire.
Servez sans attendre avec la crème au parmesan.
* J’ai acheté ces araignées alors que ce n’est pas la saison, ce qui est MAL et me vaudra les foudres de Poséïdon ou pire, de l’un de ses fidèles lieutenants déguisé en tranquille banquier boulonnais.
Ces ravioles ont l’air délicieuses !
Franchement c’est peu de le dire, je te les conseille !
Cette recette est superbe et j’avais justement envie de me lancer dans les ravioles d’inspiration asiatique… Tu participes au concours Ariaké par hasard ?
Bravo encore et merci de nous donner moults détails sur tes recettes…
Florence – Rossini’s Girl
Coucou Florence, je dois dire que pour le coup ce n’est pas vraiment asiatique : courgette-parmesa-pignon cela donne un feeling plutot italien. Sinon je suis pas au courant du concours Ariake, je m’en vais voir !
Raa flute, c’est too late on dirait bien …
c’est juste excellent ! merci du partage , bisous
Merci de ton passage, oui c’est une sublimité !
é-pa-tée je suis… comme deux ronds de flan sur les carreaux de la cuisine… Mais où trouves-tu le courage de te lancer dans des trucs si compliqués ? Tout ce que je manque par manque de temps/paresse… c’est simple, je t’admire, t’es ma Julia Child à moi… Et : Oui , l’araignée c’est un truc de maboul, mais j’ai de tellement mauvais souvenirs sur l’épluchage que j’ai pas fait cette année… je m’en voulais déjà et là je suis carrément mortifiée, bien fait pour ma gueule !… à très vite !
C’est une tannée à faire, c’est clair, mais bon ce n’est pas technique, faut juste être patient. Et ça vaut le coup c’est vraiment DU TONNERRE ! Et sinon quand est-ce qu’on dej ?
Faut qu’on parle miso 😉
Le tourteau, l’araignée et l’étrille, c’est un peu comme le poulet, le faisan et la grive, les trois très bons, mais avec des degrés de finesse et de saveur allant crescendo. Pas de souci pour la saison au demeurant, dès la fin de l’été, les araignées reviennent pour deux ou trois mois, et elles sont superbes.
J’aime bien ton thème italien, ça doit être top avec cette crème au parmesan, ce n’est pas facile de marier fromage et crustacés, et là je le sens super bien…
Quand j’étais petit, à l’époque où une certaine ambiance Bisounours régnait encore sur les blogs culinaires, j’avais fait des raviolis à l’araignée, avec la même pâte et le même outil (pardon pour le lien de banquier boulonnais – pfff… et mdr quand même -, mais c’est dans le mood de ta recette et j’adore quand nous cuisinons des trucs qui peuvent se répondre, comme la salade de papaye de l’autre jour).
http://www.cuisinedelamer.com/archives/2006/11/05/3089544.html
Pas mal du tout ta recette mais j’avoue que la mélisse me fait peur, je ne suis pas hyper fana. Par contre, gros BIG UP pour le carpaccio et son coulis de tomates destructuré, j’en ris encore :))))
Ma Clairette ça a l’air d’être une tuerie !!
Je m’interroge cependant sur les pignons entiers au sein des arraignées… Mon ascendant breton dubitatif face à ta moitié méridionale ? ( j’aurais imaginé les broyer avec la sauce crème fraiche parmesan). Je ne vois qu’une chose : venir les goûters chez toi pour être sure sure…! Hey hey. Bien sûr, je me propose en sympathique esclave, l’occasion toute trouvée de passer du temps avec toi (gagante sur tous les tableaux). Deal ?
Demain je me lance dans ton gaspacio tomates figues. Merci pour ces idées sublimes.
Ma Laurette, franchement faut pas s’en faire, les pignons ça marche très bien : il faut juste garder la main légère (à notre premier essai l’an dernier, il y avait trop de pignons). Par contre je n’aime pas trop les broyer, je trouve que pour le coup cela donne le goût de pignons à tout – je reste donc sur ma version 🙂 Quand tu veux pour venir les goûter, prenons date par mail !!! Et je veux avoir des nouvelles de ce gaspacho tomates figues (PS : c’était surtout une idée sublime de Passard dans un Régal de l’an dernier by the way :))))
C’est de la mélisse de jardin breton, très gentille. je t’en ramènerai à l’occasion, elle pousse encore plus hisurte que la menthe !
Ah Claire, c’est avec l’émotion du fan que je viens de me rendre compte, en te lisant, que nous étions toi et moi, toi Claire, devant les mêmes deux gros paniers d’araignées de mer le week end dernier au marché de la Villette !
J’ai pris un male, mangé tout simplement à la mayo maison, c’était, déjà comme ça, délicieux.
Ma femme, enceinte et avec les envies qui vont avec, sera ravi de goûter cette merveille que tu nous as donné là. Avec mes deux garçons, il faut que je fasse attention aux quantités pour satisfaire tout le monde.
A samedi prochain donc 😉
Haaaaa Bruno, il faut dire que c’est grâce à toi que j’y suis allée surtout ! Merci donc pour la recommandation ! Pour les araignées j’ai hésité à prendre un mâle, mais j’ai toujours peur de payer de la carapace. Je ne me rappelle jamais ce qu’il faut prendre (je crois que cela change selon les saisons d’ailleurs …).
Ben moi je tenterai bien l’histoire avec ou sans le gadget pour sceller les raviolis, avec au préalable une virée à ce marché avec toi qui devient à ton corps défendant ma personal city-guide des spots parisiens dignes d’intérêt! Qui sait y’aura peut-être des seiches entières pour en faire un plat ying and yang!
Besoos
Quand tu veux pour une virée au marché et bien sur que j’accepte d’être ton personal shopper en fromage de tête, quenelles de brochet ou oursins géants (je laisse les langues de canard à Patrick, j’en fais encore des cauchemars :)). Pas de seiche entière checkée au mercado l’autre jour, mais des très beaux calamars frais et (rareté à Paris) des cigales de mer vivantes. On y va cuando quieres.
Calamars frais… mejor!
Je n’ai jamais goûté l’araignée de mer : chapeau, ces ravioles sont superbes !
Clémence, je ne peux pas y croire !! Il FAUT goûter au moins une ofis dans ta vie, c’est une merveille ! Je compte sur toi pour essayer dare dare, tu me tiens au courant ok ?
cette recette me rend folle, je voudrais y goûter de suite !
C’est le seul souci de la recette, on ne peut pas vraiment en profiter sur un coup de tête – il faut la gagner ! Mais si tu as l’occasion, je ne saurai trop t’engager à te mettre à l’ouvrage, cela vaut chaque seconde de boulot.
j’ai succombé à la finesse de la chair de l’araignée alors que je refusais d’en manger au regard de la bête. et puis ça sent pas très bon à la cuisson. et c’est l’un des rares fruits de mer que je mange. Quel courage pour les réaliser ces ravioles. bravo
Très belle recette ! D’accord avec toi même si j’adore le tourteau !!
Hahaha oui moi aussi j’adore le tourteau mais dès que je trouve de l’araignée, je lui fait des infidélités…
Claire, le plat est sublime !
Une petite réserve : le parmesan dans la farce des ravioles n’est pas forcément une bonne idée, ou alors il faut avoir la main très légère et peut-être que j’en ai mis trop. Il faut dire aussi que j’avais pris des langoustines et pas de l’araignée, et forcément c’est très fin mais moins gouteux. Trouver de l’araignée de mer là où j’habite (en Alsace), c’est peine perdue : déjà le tourteau, les gens d’ici savent à peine ce que c’est et ils écarquillent des yeux bêtes quand on leur parle d’étrilles, alors des araignées, vous pensez…
Mais le reste est tout bonnement divin. Dans la sauce à la crème, j’avais rajouté un peu de coriandre fraiche hachée menu, et c’était carrément… bon. Le bouillon de cuisson, je l’ai gardé : je vais y mettre un morceau de congre, les pattes des langoustines, un peu d’algues et ça nous fera une soupe légère pour ce soir.
Bref, merci encore.
(Un petit retour aussi dans la recette du cèleri à la joue de boeuf…)
Merci merci Armand, ça me fait toujours tellement plaisir quand les lecteurs essayent les recettes, je suis ravie que vous ayez apprécié et tourné ça à votre sauce, c’est ça la cuisine !
Bonjour claire, merci pour ces délicieuses recettes. Celle ci me tente beaucoup.
J’ai testé les ravioles au pieds de cochons et lapin. La farce était a tomber. Malheureusement mes ravioles se sont ouvertes à la cuisson. Peut-on les faire à la vapeur?
Je n’ai pas l’outil magique qui soude sans doute mieux…
Bonjour Isabelle, oui c’est un risque, il faut bien appuyer et ne pas laisser de bulles d’air ! La vapeur cela peut être une bonne solution, comme les dimsums en quelque sorte. Essayez et surtout venez nous dire ce que vous en avez pebsé d’accord ? Et bonne année à vous !