Profitant des vacances de la Toussaint et du fait que notre charmante progéniture soit en train d’user les tympans de nos chers parents au lieu des nôtres, j’avais prévu de fêter notre anniversaire de mariage au restaurant.
Cela faisait très longtemps que je voulais aller au Spring. Cette table tenue par Daniel Rose, brillant américain amoureux de la cuisine française, fait l’unanimité chez mes amis les plus fines gueules, ce qui est assez rare pour être relevé.
J’ai par ailleurs autrefois assidûment fréquenté leur boutique (aujourd’hui fermée), d’abord en tant que membre du très sympathique (et également disparu) Spring Wine Club**, ensuite parce que l’on y servait à midi un bouillon sublime en provenance directe du restaurant (son seul souvenir et l’idée que je n’en mangerai plus me font monter les larmes aux yeux).
Mais nous n’avions jamais été au restaurant, question de budget et d’agenda, le Spring faisant partie de ces tables parisiennes où l’on ne saurait se rendre sans avoir réservé plusieurs semaines à l’avance.
Et ben le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’ai pas été déçue. C’est une cuisine à la fois simple et brillante, très maîtrisée mais non sans fantaisie, avec la petite qualité magique que je préfère : le sentiment qu’on vous apporte à table exactement ce que vous avez envie de manger, comme vous avez envie de le manger.
Tout était parfait, depuis les amuses gueules jusqu’au filet de chevreuil, magistral, accompagné d’un parmentier de céleri au foie gras dont je me souviendrai longtemps.
Mais le plat qui nous a le plus marqué, c’est un filet de rouget grillé à la moelle de bœuf et à la tête de veau. Croustillant, fondant, riche, le plat est d’une gourmandise parfaite, le rouget s’en sort à merveille, et du coup, je n’ai pas pu m’empêcher de cuisiner ça aussi vite que possible, histoire de pouvoir vous en parler tant que j’avais encore le plat bien en tête.
Après essai, plein de bonnes nouvelles :
- C’est facile
- Même si c’est un peu moins brillant que la VO, c’est quand même foufoufou
- Pour les petits trouillards qui seraient effrayés à l’idée de manger de la tête de veau, il peuvent tout simplement l’enlever de la recette, ce sera moins croustillant et savoureux, mais quand même très trrrrRRRRèès bon*.
Vous m’excuserez par contre pour le dressage un peu chichi de la photo, mais comme la moelle fige très vite, je n’ai pas eu de temps pour fignoler, et au final on va dire qu’on s’en fiche un peu car vous tenez là un plat de pur maboule.
Allez c’est parti !
Ingrédients pour 4 personnes
- 4 rougets barbets grattés vidés, filets levés, arrêtes enlevées
- un ou deux os à moelle selon leur taille
- un sachet (ou un cube) de bon bouillon de légumes
- une tranche de tête de veau déjà cuite (j’ai trouvé la mienne chez Monoprix, marque Monoprix, la France est décidément un pays merveilleux)
- Un bouillon de volaille très concentré fait avec un sachet (ou un demi cube) de bouillon de poule et 10 cl d’eau
- 3 cuillères à soupe de vin blanc
- du nuoc mam
- de la crème fleurette (genre 10 cl, et pas une saloperie allégée quelconque s’il vous plait, vous faites un plat avec de la moelle alors on va pas tortiller)
- un brin de thym frais
- du cerfeuil frais
- du jus d’herbes réalisé en mixant une botte de persil plat, une botte de basilic, une botte de ciboulette et une botte de cerfeuil avec un demi jus de citron, une pointe d’ail, du sel, du poivre, et suffisamment d’huile d’olive pour obtenir un jus épais. C’est facultatif mais si vous le faites vous serez bien contents, cela se garde au frais pendant des jours et c’est tip top moumoute avec à peu près tout.
Faire chauffer une casserole d’eau avec le bouillon de légumes et une belle pincée de gros sel. A frémissement, plongez-y les os à moelle pour 20 mn de cuisson, il faut qu’ils soient cuits à cœur.
Coupez la tête de veau en bandes de la largeur d’un filet de rouget. Faites-les cuire à feu doux dans une poêle badigeonnée d’huile de tournesol. Il faut la rendre bien croustillante mais allez-y mollo : pas besoin de chauffer fort pour que ça grille, de plus la tête va avoir tendance à s’émietter, on essaye de la garder entière.
Faire chauffer le bouillon concentré et le vin blanc à feu très fort, et laisser réduire jusqu’à obtenir l’équivalent d’une grosse cuillère à soupe de jus.
Rajouter la crème fraîche et le brin de thym frais (que vous retirerez au bout de 5mn), quelques gouttes de nuoc mam. Moi je rajoute aussi un cube de fond de langoustines maison que j’ai toujours dans le congélo, si vous n’en avez pas, rajoutez peut être une pointe de pâte d’anchois ou de concentré de tomates, ce qui vous plaira pour relever la sauce.
Faire chauffer une poêle avec un bon filet d’huile de tournesol. Quand l’huile est bien chaude, faites cuire les rougets (d’abord côté peau en dessous). Il faut les rendre bien croustillants. Au bout de 2 à 3 mn de cuisson, retournez-les 30 secondes pour cuire rapidement le dessus sans dessécher la chair.
Égoutter les os, passer une lame de couteau sur les bords de la moelle, si elle est bien cuite elle sortira toute seule.
Dresser la tranche de tête de veau croustillante, les rougets, la sauce et le jus d’herbes, la moelle coupée en cubes.
Parsemez de cerfeuil et servez ans attendre, avec un vin blanc riche et évolué comme un vieux meursault (idée qui me vient là paf) – mais gaffe car c’est pas évident à accorder.
*A prononcer comme FR Gaudry dans son émission sur Paris Première, c’est mon tic de langage en ce moment.
** Joshua « Josh » Adler, le créateur de cette sympathique institution aujourd’hui disparue, a monté depuis sa propre société de vente de vins : The Paris Wine Company. Bien que les tarifs soient un peu américains, je vous en recommande chaleureusement la visite, car Josh a un talent fou pour découvrir des perles, il passe son temps à parcourir les routes de France et d’Europe pour visiter les vignerons et nous a fait connaitre des vins fantastiques, ce dont je le remercie ici chaleureusement.
Je ne doute pas que l’association fonctionne puisque tu t’en réjouis mais c’est vrai que sur le papier.. Rouget + tête de veau, ça me désoriente un peu…
C’est dingo. C’est charnel, c’est équilibré, c’est gourmand c’est brillant quoi 🙂
j’aime bien viande/poisson (j’ai eu une phase chorizo/fromage) !
hahaha je vois pas le rapport mais ça me fait rire 🙂
pourquoi j’ai mis fromage ?? Je suis dingue (c’est la grossesse)… Chorizo/poisson, voulais-je dire !!
Hahaha merci pour ce rire – et félicitations alors, je savais pas, c’est pour quand ??
pour février… Mais avec Zébulon Ier à la maison, c’est très sport 🙂 !
Heureux de voir le terre-mer enfin reconnu à sa juste valeur, après moult moqueries envers son prophète le plus fanatique;)
Ha ben moi je t’ai toujours soutenue dans ce combat Gillou !
je ne pars pas! jamais « cuisiné » de tête de veau de ma vie, mais si on en trouve chez Monop.. je te fais donc confiance sur l’association, parce qu’en effet n’y aurais vraiment pas pensé spontanément 🙂
Merci de rester 🙂 Tu sais tu peux tout à fait essayer avec seulement la moelle au départ c’est déjà super !
Heureusement que Spring est difficile d’accès, sinon j’y mangerais jusqu’à ma ruine complète…
Il me fait bien envie ton plat, tu l’as de plus super bien réalisé comme d’hab. (mestria du cube de moelle, ce n’est pas si facile en fait), mais je suis le seul à aimer la tête de veau à la maison, et lorsque exceptionnellement j’en fais pour moi tout seul, je reste fidèle au classique pochage. Quant à imaginer cette assiette sans la tête de veau, c’est comme me parler d’une soupe sans moustache.
J’aurais tenté un vin rouge pour ma part, un truc genre Cheverny, voire un Fief Vendéen.
Moi j’aime bien le côté grillé de la tête de veau, et sur ce plat là cela donne un bon contraste de textures avec la moelle. Pour le vin je n’arrive pas trop à voir autre chose que du blanc – une seule solution, se faire une dégustation comparée :))
Une façon excellente de finir ce mois déclaré institutionnellement mois de la tripe.
Bien osé le terre mer, c’est curieux cette capacité qu’ont les chefs « étrangers » d’interpréter la cuisine française : tout en hommage et en audaces très opportunes.
Je ne sais pas si le nuoc mam est original (le chef t’a filé sa recette?) mais son effet umami-iodé (comme l’anchois bien sûr) est évident pour rehausser un chouïa la saveur marine.
A lire, la quantité des ingrédients peut faire peur mais le déroulé n’est pas trop compliqué. Faut juste se retrouver avec ET de la moelle (j’en ai plein mon congélo, cadeau de fidélité de mon boucher) ET de la tête de veau (plus compliqué à trouver mais je note ton dealer) ET des rougets au même moment!
Besoooos
Le chef m’a filé zero recette pour la simple raison que je suis trouillarde et que j’ose JAMAIS demander 🙂 Non le nuoc mam c’est une initiative perso, je trouve ça tellement fantastique j’en mets partout !